Le BMG

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    En 1962, Adah Stand Sutherland, alors veuve depuis 8 ans, entreprend d'écrire la biographie que William s'était promis de rédiger quelques années seulement avant sa mort (1). Le terme hagiographie aurait été plus adapté, compte tenu de l'admiration légitime et encore intacte de Adah pour feu son mari.

    Jusqu'à présent, je n'avais que parcouru ce bref ouvrage de 90 pages, mais il mérite manifestement une lecture attentive.

    Parmi les nombreux éléments et anecdotes qu'il contient, il y a ce passage dont j'aimerais parler aujourd'hui. Il se trouve page 21.
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    La traduction de ce passage donnerait quelque chose du genre :


    Ce raisonnement amena le Dr Sutherland à être en désaccord avec une affirmation qu'il avait auparavant acceptée de bonne foi. Son contenu nous concerne tous. Il stipule que les sutures de la voûte commencent à s'ossifier vers l'âge de 40 ans et qu'elles fusionnent vers l'âge de 80 ans. Il s'est mis à questionner ces limites d'âge et fit la comparaison suivante : "Le tronc du grand chêne conserve une certaine capacité à fléchir jusqu'à ce qu'il devienne une buche sans sève. On peut dire la même chose de la flexibilité du crâne, pour autant qu'il y ait de la sève.
    Ce passage et plus précisément l'analogie qu'il contient pose un véritable problème de logique.

    Tout d'abord, il est intéressant de noter que les données dont il disposait
    à l'époque sur les sutures de la voûte et leur degré de fermeture sont tout à fait cohérentes avec celles dont on dispose aujourd'hui (2).

    On sait également que les propriétés mécaniques des
    tissus vivants sont différentes des propriétés mécaniques de ces mêmes tissus post-mortem. C'est connu et les auteurs le savent depuis longtemps. Ceci étant, cette différence n'affecte pas le degré de fusion des sutures : au moment du décès d'un sujet, la suture coronale a atteint un certain degré de fusion, et ce degré sera exactement le même post-mortem.

    Réfuter l'argument de l'âge de fermeture des sutures sur la base que le comportement mécanique des tissus vivants n'est pas le même in-vivo et post-mortem, alors que ça n'a rien à voir avec la choucroute,
    d'un point de vue logique, ça pique :-)

    C'est bien tout le propos de la démarche présentée ici et dans la formation, de dire "ok les sutures sont soudées. So what ?" Le matériau os demeure pour autant (très modérément) déformable et continue à absorber contraintes et chocs en se déformant.(3)(4)

    Je crois que c'est un peu ce que Sutherland à voulu dire
    mais il le dit mal et il faut bien l'avouer, il mélange un peu tout. Son modèle étant basé premièrement sur la mobilité articulaire des sutures (même si quelques intégristes objecteront - après avoir fait le nécessaire pour que leur tension artérielle retrouve des valeurs normales - qu'il est basé sur la "respiration primaire", alors que son "crazy thought" concerne bien cette mobilité, le reste est venu plus tard, bien plus tard, et il a été fait une réinterprétation a posteriori d'événements dont la chronologie est pourtant bien établie).

    Si le modèle repose sur la
    mobilité des os au niveau des sutures, toute preuve de fermeture définitive des sutures vient remettre en cause tout le modèle. En soi, ce n'est rien de grave, ça arrive régulièrement dans presque toutes les disciplines, il y a un certain degré de résistance au changement mais la pièce finit toujours par tomber.

    Là, sur ce point précis, on voit Sutherland dans une oeuvre de
    déni. Ce n'est pas un bon exemple pour ses discip… successeurs, et sur le long terme c'est totalement contre-productif dans la mesure où il embarque tout un cortège de "followers" dans une impasse dont ils devront collectivement tôt ou tard sortir.

    A bon entendeur…
    Keep it pure, but keep it plausible… even if on your front door there's a sign saying "Dr. William G. Sutherland, Osteopath"
    MG
    (1) Sutherland A, With thinking fingers. The Cranial Academy. 1962
    (2) Harth S, Obert M, Ramsthaler F, Reuss C, Traupe H, Verhoff MA. Ossification degrees of cranial sutures determined with flat-panel computed tomography: narrowing the age estimate with extrema.
    J Forensic Sci. 2010;55(3):690–694
    (3) Herring SW, Teng S. Strain in the braincase and its sutures during function.
    Am J Phys Anthropol. 2000;112(4):575–593chi
    (4) Wang Q, Smith AL, Strait DS, et al. The Global Impact of Sutures Assessed in a Finite Element Model of a Macaque Cranium.
    Anat Rec. 2010;293(9):1477–1491.